Contre une politique d'exclusion à l'ENS de Lyon
Lors du Conseil des directions de département du 18 mai 2020 (dont les élu⋅es étudiant⋅es ont fait un compte-rendu), le président de l'ENS de Lyon a annoncé la diminution de 20 % du recrutement de normalien⋅nes étudiant⋅es* à la rentrée 2020.
Faite dans un contexte de crise sanitaire, cette annonce pourrait être motivée par la nécessité de mettre en place la distanciation sociale dans un espace contraint à la rentrée. Les discussions autour d'une telle mesure semblent néanmoins avoir préexisté à la crise sanitaire et le président a affirmé qu'elle répondait aussi à l'exigence de former des élèves (recruté⋅es sur concours) dans un milieu « homogène ».
Cette décision est profondément choquante, à plus d'un titre.
Tout d'abord, la forme est totalement irrespectueuse : une telle annonce ne peut avoir lieu informellement, sans publication officielle, ne serait-ce que pour que les personnes qui candidatent actuellement soient prévenues. Aujourd'hui, l'incertitude est totale : comment les places supprimées seront-elles réparties entre les départements ? Une coupe similaire aura-t-elle lieu dans le recrutement d'auditeur⋅ices de master** ? Cette annonce ne peut non plus être faite sans qu'un débat ait été engagé avec les communautés étudiantes et enseignant⋅es, qui sont aujourd'hui complètement prises au dépourvu par une décision qui engage toute l'École.
Ensuite, le fond est particulièrement nauséabond : après une année passée à se gargariser des avancées de la « mission diversité »***, l'ENS diminuerait le nombre de recrutements sur dossier au nom d'une détestable « homogénéité de niveau » à garantir ? L'admission sur dossier recrute des étudiant⋅es aux origines nettement moins privilégiées que l'admission sur concours, et permet chaque année à nombre d'étudiant⋅es de l'Université de nous rejoindre. Cette diversité (encore très insuffisante, par ailleurs) n'est pas un frein à l'exercice des missions de l'École, elle est une richesse que nous devons travailler à agrandir : si la présidence a vraiment le sentiment que l'organisation de nos formations n'est en phase qu'avec les étudiant⋅es sorti⋅es des meilleures classes préparatoires, n'est-ce pas plutôt le signe que nous devons d'urgence repenser cette organisation pour être capables d'accueillir des étudiant⋅es issu⋅es des horizons les plus divers ?
Nous sommes étudiant⋅es, enseignant⋅es, chercheur⋅euses, personnels, ancien⋅nes étudiant⋅es de l'ENS de Lyon, mais nous ne nous reconnaissons pas dans la politique d'exclusion que notre présidence nous présente. Nous exigeons que le maintien du nombre d'étudiant⋅es recruté⋅es sur dossier fasse l'objet d'annonces claires et rapides.
En outre, parce que la solution à une telle situation doit être politique et pédagogique plutôt que technique, nous souhaitons que toutes nos communautés soient associées à un débat nécessaire sur la meilleure façon de faire évoluer nos formations et de construire une politique d'ouverture qui, seule, peut justifier l'existence d'une école comme la nôtre.
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(*) Ce recrutement sur dossier, parallèle au concours, permet chaque année à 150 étudiant⋅es de rejoindre l'École et de suivre une scolarité identique à celle des élèves.
(**) Cet autre statut permet à des étudiant⋅es de rejoindre l'École pour deux années de Master, au terme d'un recrutement sur dossier.
(***) Lancée par la ministre Frédérique Vidal avec un certain nombre de « Grandes écoles », dont les ENS, cette mission aux airs d'opération de comm visait prétendument à augmenter la diversité sociale dans les écoles.
Association ÉCHARDE <secretaire@echarde.org> Contacter l'auteur de la pétition