Sauvons le nom de la rue du "19 Mars 1962" de Béziers

J-F. Gavoury

/ #308 Face au maire fasciste de Béziers, de l’irresponsabilité au sursaut républicain.

2015-03-16 08:43

abcdef

(Suites de l'inauguration de la rue Commandant Denoix de Saint Marc le 14 mars 2015 à Béziers)

COMMUNIQUÉ
de l’Association nationale
pour la protection de la mémoire
des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)

 15 mars 2015

 

Face au maire fasciste de Béziers, de l’irresponsabilité au sursaut républicain


La puissance publique se définit comme un ensemble de moyens mis à la disposition de l’État pour assurer la sûreté de son territoire, la sécurité de ses citoyens ainsi que l'application des lois et règlements.

Le 5 décembre dernier, en ouverture de la cérémonie officielle d’hommage aux Morts pour la France de la guerre d’Algérie, le maire de Béziers, Robert Ménard, avait, dans une allocution dont la violence sembla déconcerter le sous-préfet présent, annoncé qu’il débaptiserait la rue du 19 mars 1962 pour lui donner le nom du commandant Hélie Denoix de Saint Marc. Le 11 décembre, il faisait voter une délibération en ce sens par le conseil municipal. Le 14 mars suivant, hier, il dévoilait, à l’entrée de cette rue, une plaque comportant un libellé différent de celui adopté trois mois plus tôt.

Le représentant de l’État dans le département a été averti de tous ces éléments : discours révisionniste, délibération légalement contestable, inauguration avec discours potentiellement attentatoire aux principes et valeurs de la République. Il l’a été en temps utile : utile à la protection de la puissance publique face à une menace autrement plus sérieuse  que celle d’un humoriste interdit de spectacle pour risques de grossièretés antisémites. Plus sérieuse parce qu’émanant d’un élu auquel la qualité de premier magistrat municipal ne saurait être reconnue sans faire, en l’occurrence, injure à notre justice. Plus grave, aussi, en raison du déclenchement entre-temps, sur l’ensemble du territoire, d’un plan Vigipirate à son niveau supérieur.

Aucune mesure préventive n’a toutefois été mise en œuvre, et l’autorité de l’État s’en est trouvée affaiblie : déni de la loi du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie ; laissez-faire au regard d’un projet d’éloge public d’un officier militaire - putschiste - ayant trahi la République au moment même où l’on attendait de lui l’obéissance à un Gouvernement légal et à une autorité légitime.

Cette stratégie a permis, hier, à Robert Ménard de tenir - et diffuser dans le même temps sur le site Internet de la ville de Béziers - un discours allant largement au-delà de la réécriture de l’histoire, de l’apologie du terrorisme de l’OAS et de la propagande nationaliste. En effet, les limites de la xénophobie et du racisme ont été franchies, comme l’illustrent les extraits ci-après, au point de rendre le maire de Béziers passible a priori de sanctions administratives et, plus sûrement, de poursuites pénales au regard des textes qui encadrent la liberté d’expression :

- «  […] alors qu’on obligeait un million de Français à quitter leur Algérie natale, on ouvrait la France - quasi simultanément - à des millions d’immigrés bien décidés pour certains à ne jamais se sentir, à ne jamais devenir des Français à part entière. » ;

- « Colonisation de peuplement, disait-on de la présence française en Algérie. Il faut parler aujourd’hui, en France, d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement. » ;

- « Il y a 50 ans, je m’en souviens, vous vous en souvenez, nous tapions sur des casseroles en scandant « Al-gé- rie fran-çaise ». Il faudrait aujourd’hui, avec la même ardeur, avec la même détermination, dire non à cette France métissée qu’on nous promet, qu’on nous annonce, qu’on nous vante. ».

La loi s’appliquera-t-elle enfin à l’encontre de ce maire que son programme politique, axé sur la propagande, s’appuyant sur la valorisation des armes et comportant même la justification de leur utilisation contre la République, apparente à un authentique fasciste ?

On peut l’espérer en considération de l’esprit républicain retrouvé avec les interventions, au cours de la journée d’hier, du Gouvernement à ses plus hauts niveaux, venu in extremis conforter les opposants à la cérémonie appelée par Robert Ménard.

Ainsi, réprouvant cette initiative, le Premier ministre a-t-il affirmé que "la nostalgie, et notamment la nostalgie de l'Algérie française, n'apportera rien de bon", le porte-parole du gouvernement déclarant quant à lui : « Avec Denoix de Saint Marc, Ménard et FN montrent leur visage : réécrire l'Histoire, mépriser la mémoire et s'en prendre à la République. Face à ceux qui cherchent à raviver les plaies du passé pour nous diviser, plus que jamais, le devoir de rassemblement s'impose. ». Dans un communiqué national intitulé "Le maire de Béziers, soutenu par le FN, porte atteinte à la République", le Parti socialiste avait, de son côté, dit presque dans le même temps s’associer aux initiatives se déroulant ce samedi à Béziers contre la décision de M. Menard.

Ces positionnements ont été obtenus grâce l’engagement et à la mobilisation, dans l’unité pour la République, d’associations nationales, régionales et locales, représentatives du monde combattant, des victimes de l’OAS, des rapatriés, des valeurs humaines et citoyennes ainsi que d’organisations syndicales et de formations politiques qui, dès l’origine, ont su voir dans l’infâme projet de Robert Ménard tant une menace au regard de l’ordre public qu’un risque de retour à la guerre, celle des mémoires, entre la France et elle-même.

Ces déclarations ont été rendues possibles par le recueil de plus de trois mille signatures sur la présente pétition électronique en faveur de la sauvegarde de la rue du 19 mars 1962 à Béziers

La publication de ces communiqués gouvernementaux a été l’heureux point d’orgue d’un contre-rassemblement auquel le président de la FNACA de Paris, empêché à la dernière minute, a dû mandater l’un de ses membres. Face à moins d’un millier et demi de revanchards de l’Algérie française, d’anciens criminels de l’OAS et d’identitaires de la Ligue du Midi, ce sont quelque 600 participants, parmi lesquels des parlementaires, anciens ou en activité, qui ont exprimé de vive voix leur opposition résolue à la ligne de conduite fascisante tracée par Robert Ménard dans les rues de Béziers.

Dans ce contexte de sursaut républicain à la tête de l’État et du parti de gouvernement majoritaire, l’on se prend à espérer, outre la mise en œuvre de procédures de sanction à l’encontre du maire de Béziers, la présence, le jeudi 19 mars, du Premier ministre devant le Mémorial national des Morts pour la France en AFN quai Branly à Paris et celle du Président de la République lors du ravivage de la Flamme du Souvenir sous l’Arc de Triomphe.

Dans l’immédiat, tournons nos pensées vers les six victimes du massacre collectif perpétré, il y a tout juste cinquante-trois ans, à l’intérieur du siège des Centres sociaux éducatifs créés à Alger par la résistante et déportée Germaine Tillion. Sachons nous rappeler que ces six serviteurs de l’éducation et de la culture française ont été assassinés par un commando de déserteurs issus du même régiment qu’Hélie Denoix de Saint Marc, à la mémoire de qui le maire de Béziers a osé dédier une rue le présentant comme un héros français.

Jean-François Gavoury
Président de l’Association nationale
pour la protection de la mémoire
des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)