Protégeons le Canada ! - Démission de Justin Trudeau
Écoeuré de payer |
/ #10216 Un «bébé passeport» par jour au Québec2019-01-19 13:47Guillaume St-Pierre | Le Journal de Montréal | Publié le 19 janvier 2019 à 05:55
Environ une femme étrangère accouche chaque jour au Québec, après avoir fait des milliers de kilomètres pour donner naissance ici dans un seul but : offrir la citoyenneté canadienne à son enfant. Le principal objectif de ce coûteux séjour au pays est d’obtenir un passeport pour le bébé. La loi fédérale fait en sorte que tous les bébés nés ici obtiennent automatiquement la citoyenneté, et donc un passeport canadien. Le Canada et les États-Unis font partie des rares pays riches où il est encore possible d’obtenir la citoyenneté ainsi. Avec ce précieux document, l’enfant pourra étudier au Canada à peu de frais, voyager dans le monde plus facilement, s’établir ici aisément si son pays d’origine connaît des perturbations sociales et venir se faire soigner ici gratuitement (à condition de venir habiter six mois par année ici pour obtenir la carte soleil). ExplosionCe phénomène des «bébés passeport» est en pleine explosion partout au pays, y compris au Québec. Vancouver en est toutefois l’épicentre en raison d’un obscur réseau de facilitateurs bien établis dans la communauté chinoise. Tout un système de consultants en tourisme obstétrique est d’ailleurs en train de se constituer clandestinement, ce qui inquiète des avocats spécialisés en immigration qui y voient un passe-droit injuste. Le gouvernement canadien promet de faire le ménage dans ce réseau de consultants «sans scrupules». Les couples paient de 20 000 $ à 30 000 $ pour venir ici, ce qui comprend les billets d’avion, l’hébergement, quelques milliers de dollars pour les consultants ou avocats et environ 8000 $ pour les frais médicaux. Mal documentéLe tourisme obstétrique est mal documenté par les gouvernements. Des établissements publics refusent d’en parler, dont le Centre hospitalier de St. Mary. Les douaniers constatent l’arrivée au pays de mères sur le point d’accoucher, mais ils n’ont aucun moyen légal pour intervenir. Si certains «consultants» conseillent à leurs clientes de mentir, il y a des couples qui ne cachent pas leurs intentions lorsqu’ils arrivent ici, comme a pu le constater «Le Journal». Bien que controversé sur le plan éthique, tout cela est légal. Personne ne connaît le nombre exact de femmes qui viennent ici pour accoucher. Un calcul inédit produit par «Le Journal» démontre que plus de 800 mères non résidentes canadiennes ont donné naissance l’an dernier au Québec seulement, essentiellement dans la région de Montréal. Ces données compilées n’incluent pas le principal lieu d’accouchement francophone au Québec, l’hôpital Sainte-Justine, qui ne dénombre pas ce type de naissance. Tout comme les hôpitaux de la ville de Québec. Environ 50 % de ces mères étrangères sont venues ici en tant que touristes dans le but d’accoucher, selon l’estimation «très conservatrice» d’un ex-haut fonctionnaire d’Immigration Canada, qui a longuement étudié la question. L’autre moitié serait composée de mamans qui sont, par exemple, des étudiantes ou des travailleuses étrangères qui ont accouché durant leur séjour ici. C’est ainsi qu’on évalue qu’environ un «bébé passeport» naît chaque jour au Québec. Le Centre hospitalier de St. Mary vient au 2e rang de tous les hôpitaux canadiens qui accueillent le plus de naissances de mères étrangères. Dans cet hôpital, près d’un bébé sur 10 est né d’une mère venue d’ailleurs l’an dernier (361). Une hausse significative par rapport à il y a cinq ans (177). Ces femmes étrangères qui accouchent au Québec sont souvent d’origine chinoise, selon des données obtenues par «Le Journal». Ce phénomène soulève des questions éthiques, remet en question les lois canadiennes sur la citoyenneté et est source de conflits dans les hôpitaux. «On se demande qui doit prendre la responsabilité de ces femmes», affirme une obstétricienne de Calgary qui a réalisé une rare étude sur le sujet, Fiona Mattatall. Vancouver, l’épicentreÀ Vancouver, le tourisme obstétrique est devenu une véritable industrie. Une vingtaine de maisons de naissance chinoises ont pignon sur rue dans les environs de la métropole britanno-colombienne. Ces entreprises controversées, dont les tentacules s’étendent jusqu’en Asie, offrent des services clé en main à de riches familles chinoises. Des enjeux éthiques Des conséquences sur le système de santéL’explosion du phénomène des «bébés passeport» entraîne inévitablement des conséquences sur les soins de santé dans les hôpitaux les plus touchés. À l’hôpital de Richmond, en Colombie-Britannique, près de 1 bébé sur 4 est d’origine chinoise. On déplore que des Canadiennes enceintes soient forcées d’accoucher ailleurs parce qu’une femme étrangère se présente en travail à l’hôpital à la dernière minute. «Des infirmières sont inquiètes des abus du système et que des résidentes de Richmond soient rétrogradées», affirme en entrevue le député libéral fédéral de la circonscription, Joe Peschisolido. Le Centre hospitalier de St. Mary, à Montréal, n’est pas à l’abri de ce genre de situation, croit un ancien haut fonctionnaire fédéral ayant longuement étudié la question. «Si la tendance se poursuit, c’est possible et même probable qu’on voie les problèmes de Richmond se produire ailleurs», affirme le chercheur Andrew Griffith. Des factures non payéesIls sont l’exception plutôt que la règle, mais certains parents partent sans payer l’hôpital. Les autorités de santé publique de Vancouver poursuivent une femme d’origine chinoise qui a quitté le Canada en laissant derrière elle des factures impayées de 313 000 $ après son accouchement en 2012. L’avocat canadien responsable du dossier soutient qu’il sera très difficile de récupérer les fonds, qui s’élèvent à un million avec les intérêts. À Calgary, une mère américaine a accouché de ses quatre enfants sans s’acquitter de ses factures, qui s’élèvent maintenant à plus de 100 000 $. «Elle n’avait pas d’assurance maladie aux États-Unis. Elle trouvait que c’était beaucoup moins cher de venir se faire soigner ici», explique Fiona Mattatall, une obstétricienne de Calgary. Qu’on paie ou non sa facture, l’enfant obtient la citoyenneté. Injustice en immigrationLes parents qui offrent la citoyenneté canadienne à leur enfant en accouchant tout simplement ici font enrager les immigrants ayant attendu patiemment pendant des années avant d’obtenir leur passeport à la feuille d’érable. «Pourquoi ne pas suivre les règles qui existent déjà ? Faites les procédures habituelles comme tout le monde», a commenté un utilisateur sur un blogue spécialisé en immigration à une femme étrangère désirant accoucher au Canada. «Tant qu’à être cupide, abandonnez votre enfant au Canada pour qu’il puisse vivre sa vie de Canadien, et vous, rentrez tranquillement chez vous !» lui a lancé un autre utilisateur. La citoyenneté canadienne en cadeauAman et Hrena Singh ne connaissaient rien du Canada avant d’y mettre les pieds en octobre dernier. Cela n’a pas empêché ce couple de venir d’Inde pour donner naissance à un petit garçon qui est maintenant... canadien. Comme le font chaque année des centaines de familles étrangères, Aman, 37 ans, et Hrena, 26 ans, ont fait des milliers de kilomètres pour donner naissance à leur enfant ici. Le principal objectif de ce coûteux séjour : obtenir la citoyenneté canadienne pour leur enfant. Le Canada, contrairement à la plupart des pays, attribue la nationalité à toute personne qui naît sur son territoire, sans condition supplémentaire. Ce couple de l’Inde bien nanti souhaitait d’abord et avant tout offrir à leur petit garçon des soins de santé de classe mondiale et un environnement sécuritaire. Ils ont aussi obtenu pour lui, en prime, la nationalité d’un pays riche. «Notre but au départ était de venir ici pour 10 ou 15 jours pour explorer le pays. Lorsque nous avons réalisé qu’il était possible d’obtenir la citoyenneté [pour notre bébé], nous n’avons pas hésité», explique Hrena en entrevue depuis le bureau de son avocat torontois quelques semaines avant d’accoucher. «Je ne voulais pas accoucher en Inde. Je cherchais de bonnes conditions sanitaires, de bons hôpitaux», explique celle qui a donné naissance au début du mois de janvier. Facture de 25 000 $Le couple doit rentrer dans son pays à la fin janvier. Ils auront déjà en main, à ce moment-là, le passeport du petit Alex. La famille n’a aucune intention de revenir au pays de sitôt. Propriétaires d’une école primaire privée, Aman et Hrena bénéficient d’une situation économique enviable dans leur pays. «Nous avons une entreprise prospère en Inde, soutient Aman. Nous ne voyons aucun intérêt à nous établir ici, au Canada.» La très vaste majorité des familles s’adonnant au tourisme obstétrique font partie de la classe des privilégiés dans leur propre pays, assure l’avocat du couple, Alex Davidson. Ces familles déboursent de 20 000 $ à 30 000 $ pour offrir la nationalité canadienne à leur enfant. Cela inclut les billets d’avion, l’hébergement, les frais d’avocat et d’hôpitaux. «Ça va nous coûter au total au moins 25 000 $, dit la nouvelle maman. C’est beaucoup plus qu’on pensait! Mais quand on voit la pureté de l’environnement, je pense que c’est raisonnable.» Le couple a jeté son dévolu sur le Canada parce que ce pays lui semblait plus ouvert et sécuritaire que les États-Unis, seul autre pays riche où le droit du sol est encore en vigueur. «Nous préférons le Canada à cause du multiculturalisme et parce qu’il est moins densément peuplé», indique Hrena¬¬¬, qui se dit aussi rebutée par les nombreux «attentats terroristes» au sud de la frontière. Le couple assure que cette démarche vise uniquement à offrir un meilleur avenir à leur enfant. Il n’envisage pas, pour l’instant, de profiter de la citoyenneté canadienne de leur garçon pour l’obtenir eux-mêmes, à leur tour. Le Canada en a les moyensLes parents de «bébés passeport» n’obtien¬nent pas automatiquement la nationalité canadienne. S’ils souhaitent éviter le processus normal d’immigration, ces familles doivent attendre que leur enfant atteigne l’âge de la majorité, soit 18 ans, pour être admissibles au parrainage. «Nous ne voulons pas du tout devenir canadiens», lâche Hrena dans un très bon anglais. Le couple est bien conscient des enjeux éthiques que pose le tourisme obstétrique. Avec le recul, Aman et Hrena n’ont pas l’impression de profiter du système, puisqu’ils déboursent d’importantes sommes pour venir ici. Ils croient aussi que le Canada a les moyens d’offrir gratuitement sa citoyenneté aux enfants nés ici et juge que cette pratique est une relation d’affaires qui est même bonne pour l’économie du pays. Présent, mais moins bien ficelé à MontréalL’industrie des «bébés passeport» est peut-être moins organisée à Montréal qu’à Vancouver, mais elle a tout de même le vent dans les voiles. «Le Journal» a contacté des dizaines d’avocats en immigration et de nombreux spécialistes des soins de santé dans la métropole, dans le cadre de ce reportage. Presque tous ceux avec qui nous avons parlé sont convaincus que la pratique se porte bien à Montréal. Certains ont même déjà travaillé avec cette clientèle. Il semble toutefois que les maisons de naissance de type tout inclus pour les familles étrangères désirant donner naissance au Canada soient rares, sinon inexistantes au Québec. «Je ne connais pas de maisons de naissance spécialisées, mais je sais qu’il y a systématiquement dans tous les hôpitaux de Montréal, une bonne portion des femmes qui donnent naissance et qui sont issues de l’étranger», soutient un avocat en immi¬gration, Hugues Langlais. Plusieurs intervenants expliquent que ces familles étrangères viennent donc généralement à Montréal par leurs propres moyens. Elles logent à l’hôtel ou louent un appartement, certaines embauchent une accompagnatrice de naissance ou une sage femme. D’autres encore s’inscrivent à l’unité mère-enfant d’un hôpital. Dans de rares cas, elles arrivent à l’improviste à l’urgence au moment de l’accouchement. EntrepreneursDeux entrepreneurs rencontrés par «Le Journal» ont tenté d’ouvrir une maison de naissance pour femmes étrangères, sans succès. Neo Zhang a immigré de Chine en 2012. Constatant la popularité des maisons de naissance en Colombie-Britannique et en Californie, M. Zhang a fait des démarches pour reproduire ce modèle ici. Son projet n’a toutefois jamais vu le jour ; ses recherches ont démontré que le marché montréalais n’est pas encore mûr pour une telle industrie, en raison de la taille relativement petite de la communauté chinoise, principale source du tourisme obstétrique, croit-il. La «barrière de la langue» repousse aussi les agences chinoises qui préfèrent développer les marchés britanno-colombiens et ontariens, ajoute M. Zhang. Yi Hai Yan s’est quant à elle installée à Montréal en 2008. Flairant une bonne affaire, Mme Yi a fait paraître en février 2017 une petite annonce dans un média chinois pancanadien. Elle y vendait des services pour entrer au Canada, remplir des formulaires d’identité pour les bébés, organiser des rendez-vous dans des hôpitaux «sophistiqués» et faire le suivi de l’accouchement. Son projet est toutefois tombé à l’eau, rapporte-t-elle en chinois dans une entrevue traduite par sa fille de 20 ans. «Je n’avais pas réalisé à quel point c’était compliqué. Je n’ai pas les compétences pour remplir des papiers d’immigration», dit l’accompagnatrice de naissance qui offre des massages et des cours d’allaitement aux nouvelles mamans. Mme Yi dit que son projet a aussi échoué, car elle ne possède pas de réseau de rabatteurs en Asie. Omerta à St. MaryLe centre hospitalier de St. Mary, à Montréal, se dit «réputé pour ses soins de haute technologie empreints de compassion». Mais la transparence, elle, n’est visiblement pas dans ses cordes. «Le Journal» a tenté d’obtenir une entrevue avec la direction dans le cadre de ce reportage, sans succès. «Nous n'avons malheureusement personne de disponible pour traiter de ce sujet avec vous», nous a-t-on répondu après des demandes répétées. Situé dans le quartier central de Côte-des-Neiges, St. Mary a vu le nombre d’accouchements de non-résidentes bondir dans les cinq dernières années, passant de 177 (4 %) à 361 (9 %). |
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