Manifeste affirmant le caractère un et divers de la langue d'Oc

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Philippe Carcassés

#326

2012-10-12 12:47

Eh bien, ça discute sec ! après une panne d'ordinateur, je vous livre mes humbles réflexions.
On ne sauvera pas quelque chose (de la langue, de la culture)sans s'appuyer sur le peuple (qu'on le trouve "bof" ou non). Si on fait de la culture sans le peuple, on ne tarde pas à le faire contre le peuple. Mon expérience m'a montré que les derniers locuteurs naturels refusent avec beaucoup d'énergie les mots et sons qui ne sont pas de leur endroit. Pas mal d'entre eux ont du mal avec l'orthographe classique, qu'ils jugent compliquée. Ce n'est pas un jugement, c'est une constatation. Pourtant je me considère comme occitaniste. J'ai fini par trouver une solution qui me paraît réaliste et efficace: l'emploi du languedocien "référentiel" comme de l'orthographe classique ou mistralienne dépend selon moi du public visé (voir ce que j'ai dit plus haut sur les dégâts que peuvent créer un texte en graphie classique balancé dans le peuple sans préparation). L'orthographe mistralienne (avant je disais phonétique, M. Gourgaud) convient pour un message direct au peuple, qui lit facilement et reconnaît sa prononciation. C'est celle que j'emploie dans ces cas-là. La classique insiste davantage sur l'unité de la langue, elle est selon moi plus rigoureuse (elle différencie les participes passés et infinitifs du provençal). Bref, en termes un peu choisis, c'est tout le débat entre une orthographe de type phonétique (espagnol) ou de type phonologique (français). Je crois être assez isolé dans ce genre de position, mais j'assume. Chaque fois que je m'adresse à un grand nombre avec un texte écrit en occitan, je mets toujours les deux, parfois c'est la classique qui est en bas de page, en italique, TOUJOURS EXPLIQUEE. Quant aux mots "inventés" comme meteis et amb, il y a belle lurette que dans mes cours je préconise mème et amé; car là, effectivement, on arrive à du quasi snobisme. Pour finir, ma conception est pyramidale: certains ne seront jamais intéressés par une prise de conscience plus large de leur parler, c'est leur choix, respectable. Pour ceux qui veulent aller plus loi, là oui, on peut envisager le référentiel et l'orthographe classique. Mais n'oublions pas une chose: une plante peut vivre avec ses racines sans forcément donner de fruit. En revanche, pour qu'il y ait fruit, il faut qu'il y ait racines. Je veux bien croire que l'occitan référentiel et l'orthographe classique est le fruit, mais il ne peut se nourrir que dans ses racines: le dialectal et ses locuteurs, commet dire, aux préoccupations concrètes.
Sinon l'occitan sera le latin du XXIème siècle. Je crois d'ailleurs (mais ce n'est que mon opinion) qu'il en prend le chemin.

Réponses

Ive Gourgaud

#327 Re:

2012-10-12 16:54:10

#326: Philippe Carcassés -

Lou bon jour, Mèstre Carcassés !

Quelle magistrale leçon ! Il y a bien longtemps que je n'avais lu, sous une plume occitaniste, un "bilan et perspectives" d'une telle ampleur de vues et d'une telle honnêteté! Sans parler du caractère concret de tout ce que vous proposez, en mettant le doigt sur le vrai défi: relier le peuple à sa langue.

Mistral avait déjà dit, dans sa belle pensée poétique, que "l'arbre qui monte le plus haut est celui dont les racines sont les plus profondes" (réponse anticipée à tous ces "tableraseurs du passé" qui pourrissent régulièrement les débats entre défenseurs des langues minorisées). Hé bien je me permets d'affirmer que votre image à vous, qui reprend l'image de base mistralienne, l'amplifie singulièrement:

"n'oublions pas une chose: une plante peut vivre avec ses racines sans forcément donner de fruit. En revanche, pour qu'il y ait fruit, il faut qu'il y ait racines. Je veux bien croire que l'occitan référentiel et l'orthographe classique est le fruit, mais il ne peut se nourrir que dans ses racines: le dialectal et ses locuteurs"

et je vois dans votre pensée ce qui pourrait bien être la base d'un accord programmatique: puisque c'est manifestement (c'est le mot!) l' "occitan référentiel" qui nous oppose le plus radicalement, adoptons tous votre position:

- ce "référentiel" ne peut être qu'un FRUIT, jamais une RACINE. Et encore, un fruit aléatoire.

- en conséquence, éliminons-le du SOCLE COMMUN de la langue, et considérons, COMME MISTRAL ET TOUS LES GRANDS EC RIVAINS en lengo nostro qu'il ne fait pas partie de notre bagage culturel. Le Prix Nobel ne doit rien à un quelconque "référentiel", tout le monde devrait le savoir et j'espère que JF Brun, qui est un vrai littéraire, admettra enfin cette vérité-là, à savoir qu'enrichir son parler de base (travail de tout écrivain digne de ce nom) n'a RIEN A VOIR avec l'élaboration d'un référentiel comme l'est l' occitan standard, commun, normé, large, bisounours et que sais-je encore.

- ON PART DES RACINES, TOUJOURS. On oublie le "référentiel": c'est bien un autre occitaniste, Eric Gonzalès, qui fait justement remarquer que personne ne veut faire l'effort d'apprendre un référentiel en plus de son parler naturel OU DE CHOIX: que les exilés et les néo-apprenants se choisissent une forme VIVANTE qui leur servira de vrai référentiel (et une fois encore E Gonzalès sait analyser la situation, en indiquant au moins deux formes vivantes qui peuvent servir à ça, le provençal mistralien et le béarnais. Je re- re- re-demande à JF Brun ce que ça lui apporte d'écrire AMB en place de son beau "Embé" (je" dis "beau" parce que c'est la forme cévenole!!!). Sérieux: qui peut croire que "embé", "emé" , "amé" et autres formes réelles sont un obstacle à l'intercompréhension ??? Merci à ce propos, Mèstre Carcassés, de confirmer que mon "allergie" est partagée.

Qu'un écrivain ENRICHISSE sa langue, oui! Mais ce n'est pas en changeant sa phonétique ou sa morphologie qu'on enrichit sa langue, au contraire on l'appauvrit en lui ôtant toute sa crédibilité de LANGUE VIVANTE ENRACINEE. Donc JF Brun, écrivain, a bien le droit de se sentir dans une formidable harmonie avec les Troubadours et les Catalans, sauf que les uns sont morts depuis longtemps et que les autres refusent et refuseront le jeu occitaniste du "Catalan = Occitan". C'est donc un sentiment qui, du point de vue de l'efficacité, est parfaitement vain. EN REVANCHE, JF Brun ne doit pas ignorer que ces choix le séparent, et radicalement, de son propre peuple (et secondairement, mais quand même, de gens comme moi)

D'où opération très négative: on perd d'un côté (le côté fondamental, celui du peuple) sans rien gagner de l'autre côté (les "élites" qui semblent fasciner JF Brun ne sont pas du tout intéressées par notre combat; ou alors ce sont déjà des occitanistes tendance jacobine, ce qui ne devrait guère rassurer le défenseur de la diversité)

Je considère votre intervention, Mèstre Carcassés, comme le véritable MANIFESTE UNITAIRE de la langue d'oc (ben oui, dans ces conditions de clarté et d'intelligence, je n'ai aucun mal à parler de "langue d'oc" au singulier - lisez: dans sa singularité)

Ive Gourgaud

#352 Re:

2012-10-17 17:37:29

#326: Philippe Carcassés -

Ca "discutAIT sec", plutôt, vu que JF B n'aime pas mes opinions et qu'il censure mes messages